Qui ne connaît pas PagesJaunes.fr, cet annuaire en ligne où l’on trouve tous les professionnels en passant par le médecin, le plombier, la pizzeria ou le cabinet d’avocat ? Mais savez-vous réellement comment fonctionne le business model des PagesJaunes.fr ? Savez-vous également si ce support de communication est intéressant à l’heure où Google occupe la plupart des parts de marché en France sur le net ? En effet, créer le meilleur site internet du monde ne suffit pas. Il faut également le faire connaître, et si Google semble être un incontournable pour toucher ses clients, dans certains secteurs d’activités, on pense parfois aux PagesJaunes.fr comme support de communication. Mais est-il rentable ? Face au peu d’information sur les Pages Jaunes, j’ai testé pour vous une campagne de publicité sur les Pages Jaunes dans le cadre de l’activité de Gomario.fr. J’espère que les résultats que je vais vous présenter vous permettront de prendre une meilleure décision d’investissement sur ce média.
Le Business Model de PagesJaunes.fr
Comme tout annuaire, ce qui fait sa pertinence est la quantité de produits/entreprises/services recensés. A ce jeu, je dois l’avouer, PagesJaunes.fr se porte plutôt bien avec par exemple plus de 1.000 plombiers référencés sur Paris, quasiment le même nombre de boulangeries et plus de 1.500 médecins, toujours sur Paris.
Mais ce qui fait sa pertinence fait aussi sa force. PagesJaunes.fr étant le premier annuaire français en nombre de services référencés, il est également un des sites les plus visités en France (Alexa le classe 19e site le plus visité de France). Cependant, pour un utilisateur, l’expérience utilisateur d’un annuaire (ou UX pour les intimes) est rapidement catastrophique. En effet, devant une liste de 1.000 plombiers, lequel choisir ? On prend souvent le premier de la liste, mais le deuxième n’aurait-il pas été mieux ou moins cher ? Alors on se dit que PagesJaunes.fr pourrait quand même rajouter des critères de sélection (tarifs, avis, artisan indépendant…). Mais c’est oublier que cela serait contre son intérêt économique !
En effet, si on regarde le problème du côté d’un prestataire, un artisan plombier par exemple, comme le client choisit le premier de la liste, en tant que plombier, pour augmenter mes chances d’être contacté, j’aimerais idéalement bien être affiché en premier. Et c’est là que tout le génie business des Pages Jaunes arrive :-). Pour répondre à ce besoin, il suffit simplement aux PagesJaunes.fr de proposer un modèle freemium. Si je souhaite que mon entreprise remonte en tête de résultats, je paie un abonnement ! Eh oui, oubliez le fameux temps où l’annuaire était classé par ordre alphabétique. C’est aujourd’hui l’argent qui régit l’apparition.
Le parallèle peut être fait avec Google et Google AdWords. Par défaut mon site est noyé au milieu de plusieurs résultats de recherche Google, mais si j’utilise Google AdWords, je peux alors apparaître en tête de résultat moyennant finance. Cependant, la comparaison s’arrête là, car le modèle financier n’est pas du tout le même. Si Google AdWords propose un système d’enchères (celui qui investit le plus apparaît en premier), sur PagesJaunes.fr, le prix est identique pour toutes les entreprises. Un affichage rotatif se fait au gré des requêtes entre les diverses entreprises ayant payé leur abonnement, garantissant un nombre de vues identique sur une période donnée à toutes les sociétés.
Et cette différence est extrêmement importante. Comme tous les plombiers souhaitent être visibles sur les PagesJaunes.fr (et si ce n’est pas le cas, un commercial PagesJaunes.fr vous prouvera que vous avez tord :-)), ils vont quasiment tous payer un abonnement. Résultat, sur 1.000 plombiers, si 500 payent un abonnement pour remonter en tête de résultat, un plombier payant ne sera affiché en tête de résultat que toutes les 500 requêtes ! Certes, c’est mieux qu’une fois sur 1.000, mais cela vaut-il l’investissement ?
Estimation de la rentabilité d’un investissement PagesJaunes.fr
Comme tout investissement, on souhaite estimer sa rentabilité avant de prendre sa décision. Pour les Pages Jaunes, on se dit que cela va être assez facile. Il suffit de savoir en moyenne combien de fois par mois on peut apparaître en tête de résultat, et considérer que c’est uniquement en tête de résultat que cela débouchera sur un contact client. Ensuite on applique un taux de conversion entre contact client et conclusion d’un contrat, lié également à un prix moyen d’intervention, dont normalement on maîtrise les valeurs, basé sur notre retour d’expérience de notre activité.
Ce modèle est déjà assez optimiste, car il considère que chaque fois que l’on est le premier affiché on sera contacté, et l’on pourra donc appliquer un coefficient correcteur de prudence à la fin.
Mais le hic, c’est que Pages Jaunes ne communique pas ces résultats, même en étant en contact avec un commercial ! Là on se dit que ça ne sent par très bon, car même un Google AdWords est plus transparent !
Alors je me suis dit : « Et si je construisais moi-même mon modèle pour estimer le nombre de fois où je pourrais apparaître en premier ? »
Pour cela, j’applique une méthode très simple. Pages Jaunes sait me donner le nombre de fois par mois où une requête est cherchée (il suffit de se créer un compte pro sur les Pages Jaunes et de faire des simulations de devis). Par exemple, avec le « Pack Premium » (la formule payante des Pages Jaunes), la requête « plombier » (attention, Pages Jaunes fonctionne plutôt en champ lexical qu’en requête exacte) est cherchée 158 fois par mois en moyenne pour le 1er arrondissement de Paris. PagesJaunes.fr me donne également le prix de ce pack pour ce mot clé. Je reproduis ce schéma sur tous les arrondissements pour avoir une idée du volume de requêtes sur Paris et le prix à payer. Puis je vais sur le site des PagesJaunes.fr et je lance la requête « plombier » sur Paris. J’obtiens 1.033 résultats. Il ne me reste plus qu’à savoir ceux qui ont payé. C’est finalement assez simple car le pack premium, en plus de vous faire remonter dans les résultats, vous ajoute des options (logo, description…). Il suffit donc de trouver le nombre de prestataires qui ont ces options. J’estime leur nombre à environ 580 sur Paris en parcourant les pages de résultats (j’ai donc, en payant, une apparition toutes les 580 requêtes). En reproduisant les modèles, j’obtiens l’estimation du nombre d’apparitions en premier résultat suivant :
Estimation du nombre d’apparitions en premier résultat pour Paris sur PagesJaunes.fr | |
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Serrurerie | 3,7 / mois |
Plomberie | 7 / mois |
Électricité | 6,2 / mois |
En recoupant ces résultats avec les tarifs du Pack Premium, j’obtiens une estimation de mon coût d’affichage en première place par client. Et là on se dit que ça semble très cher, car ensuite, on n’est pas sûr de convertir un client ! Dégager 34€ par client au minium (dans l’hypothèse où chaque client est converti), pour couvrir uniquement les frais de publicité en serrurerie, lorsque l’on fait une ouverture de porte à 100€, ce n’est pas gagné.
Estimation du coût par apparition en premier résultat sur quelques requêtes PagesJaunes.fr pour Paris | |
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Plomberie | 25 € / apparition |
Serrurerie | 34 € / apparition |
Électricité | 18 € / apparition |
Après plusieurs rencontres avec le commercial des PagesJaunes qui se demande comment on a pu calculer ces chiffres, qui nous convainc que les résultats seront bien meilleurs, que l’on va avoir plusieurs dizaines de clients par mois, on se dit : « si je tentais une campagne test après tout ? »
Retour d’expérience de l’investissement publicitaire des Pages Jaunes
Nous avons lancé une campagne en décembre 2014 que nous avons arrêtée au bout de deux mois et qui s’est avérée encore plus catastrophique que prévu.
Sur le mois de décembre, nous avons eu un seul appel en plomberie/serrurerie pour demande de devis. Le reste des appels (4 appels) était lié à des demandes de stages d’apprentis artisans (nous n’avions pas anticipé ce type de client :-)).
PagesJaunes.fr produit néanmoins de beaux graphiques sur le compte client, nous indiquant que notre annonce aurait été affichée 500 fois en décembre et cliquée 50 fois (en supposant un taux de conversion de 10% (ce qui est plutôt bon) entre annonce cliquée et appel téléphonique, on retrouve les 5 appels du mois). À noter que le dernier graphique reste très mystérieux. Comment PagesJaunes a-t-il accès au nombre de personnes qui nous ont réellement contactées ?
Néanmoins, le résultat final conduit à un coût par appel qualifié de prêt de 300€ ! Beaucoup trop cher, à moins de décrocher un chantier de plusieurs milliers d’euros. Et notre estimation très optimiste initiale n’était pas si délirante.
Conclusion
Réfléchissez bien avant d’investir dans les Pages Jaunes. Les commerciaux sont bons, mais les résultats par forcément à la hauteur. Beaucoup d’artisans ont arrêté les Pages Jaunes. Ceux qui restent sont également parfois des arnaqueurs, car il faut qu’ils rentabilisent leurs investissements. Si vous êtes en recherche d’un artisan, évitez les premières annonces, et prenez les résultats des dernières pages (les artisans qui ne paient pas).
Côté business, si vous avez un métier à très forte valeur ajoutée, cela peut valoir le coup, et tous les secteurs ne sont probablement pas aussi chers.
Pour votre marketplace, ce qui nous intéresse quand même beaucoup dans ce blog, les Pages Jaunes ne seront probablement pas le meilleur endroit où investir. Concentrez vos efforts sur Google et essayez le Growth Hacking, dont nous parlerons dans un autre post.
Et l’avenir des Pages Jaunes ?
Les Pages Jaunes sont indéniablement en perte de vitesse face à des entreprises comme Google ou Microsoft. Pour rester sur son marché, PagesJaunes.fr doit maintenant s’allier à Google ou Microsoft (en devenant revendeur de publicités Google ou en aidant Bing à offrir du contenu local plus pertinent). Pages Jaunes emploie également une dizaine de personnes pour son référencement sur Google et vient de rendre son site responsive pour s’adapter aux critères de Google. Un avenir qui ne semble pas si simple pour les Pages Jaunes.
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